Pourquoi proposer de manger des morceaux à bébé dès 6-7 mois ?
La construction du panel alimentaire :
La construction du panel alimentaire de l’enfant (autrement appelé « bibliothèque d’aliments connus et acceptés par l’enfant plus tard ») commence in utero. On sait aujourd’hui que les 1ers mois de la diversification alimentaire sont cruciaux en la matière. En effet, les études démontrent que les aliments régulièrement rencontrés par l’enfant avant ses 12 mois sont ceux qui auront le plus de chances d’être présents dans sa bibliothèque d’aliments. Aussi, la période des 4-6/12 mois est particulièrement importante.
L’observation des habitudes alimentaires des enfants montre que la découverte sensorielle par les purées est trop limitante. En effet, les enfants qui reçoivent principalement des purées pendant plusieurs mois (et parfois au-delà de leurs 12 mois) ont ensuite une alimentation moins variée que ceux qui ont mangé des morceaux régulièrement avant 12 mois. Cette observation est très facile à comprendre : un bébé qui découvre un morceau de brocoli dans son assiette à 6 mois va pouvoir l’observer, le toucher, le sentir, le goûter (et même peut-être entendre le son
qu’il fait entre ses doigts). Quand, plus tard, on lui proposera un morceau de brocoli dans son assiette, il le reconnaîtra et pourra le manger.
À l’inverse, un enfant qui n’a mangé du brocoli que sous forme de purée risque de ne pas reconnaître l’aliment entier dans son assiette. Il pourrait même ne pas être du tout à l’aise avec cet aliment vert à la forme étrange. Certains de ces enfants, qui ont eu une découverte sensorielle trop pauvre car limitée à des purées, n’accepteront même pas d’avoir le morceau de brocoli dans leur assiette ou simplement posé sur la table devant eux.
Le développement de la mastication :
Je dis souvent qu’un enfant ne peut pas apprendre à mastiquer s’il n’a rien à mastiquer ! En effet, les purées n’ont pas besoin d’être mâchées, elles sont simplement dégluties par l’enfant. Ainsi, si l’on ne propose que des purées, l’enfant n’apprend pas à mastiquer.
- Cela fait déjà plusieurs années que l’on sait qu’il est important de faire évoluer les textures pour que l’enfant apprenne à gérer des morceaux et pas seulement de la purée. Avant de conseiller l’introduction des finger foods (aliments en morceaux, séparés de la purée, que l’enfant va venir attraper avec sa main) dans les repas des bébés, on préconisait aux familles de faire évoluer la texture des purées en écrasant grossièrement les légumes (et donc en laissant des grumeaux), puis en ajoutant des petits morceaux de féculents (petites pâtes, riz, semoule) ou de viande hachée dedans. Mais on sait aujourd’hui que cette méthode d’introduction des morceaux ne fonctionne pas pour la majorité des enfants. En effet, les bébés ne sont pas capables de mastiquer des tout petits morceaux contenus dans une purée. Ils vont alors les gober et apprendre à avaler tout rond des morceaux de plus en plus gros. Malheureusement, on remarque qu’il y a de nombreux enfants, dont l’alimentation a été diversifiée de cette manière, qui ne savent pas mâcher les aliments avant de les déglutir et qui ont besoin que l’on coupe tout en petits morceaux dans leur assiette pour ne pas trop se fatiguer pendant le temps de repas.
- Aujourd’hui, on sait que l’introduction des finger foods dès 6 mois permet à l’enfant de progressivement développer sa mastication. C’est grâce à la pratique quotidienne pendant plusieurs mois que l’enfant va apprendre à se servir de sa langue, de ses mâchoires et de ses dents pour mastiquer correctement tous les types d’aliments. L’apprentissage est long et plus tôt il est démarré, plus tôt il sera mis en place.
- Le fait de mobiliser la langue chaque jour pour mastiquer des aliments en morceaux a également des bénéfices sur la croissance de la face de l’enfant. En effet, la force de la langue contre le palais permet à ce dernier de progressivement s’élargir. Or, l’élargissement du palais est nécessaire pour la bonne croissance des dents définitives et pour l’élargissement des voies respiratoires aériennes. Il n’est pas rare pour les professionnels du maxillofacial, qui suivent des enfants qui ont une mauvaise croissance de la face, de voir que ces derniers ont aussi parfois des difficultés alimentaires.
- Enfin, un aliment qui n’est pas mastiqué avant d’arriver dans l’estomac sera bien moins bien digéré. Les nutriments contenus dans l’aliment seront alors moins bien absorbés par le corps. Aussi, une mauvaise mastication a non seulement un impact sur la digestion des aliments, mais aussi sur la nutrition de l’enfant.
En pratique :
Nous l’avons vu, il est extrêmement important de faire découvrir tous les aliments sous leur forme brute à l’enfant dès le plus jeune âge. Alors, dès que l’enfant est capable de manger des morceaux, je recommande d’en proposer quotidiennement et de le laisser faire sa découverte à son rythme. Tous les bébés devraient avoir le droit d’écraser ou d’étaler le brocoli sur leur plateau, de la même manière que l’on autorise aux enfants de gaspiller leurs premières feuilles de dessin avec parfois seulement 3 points de crayon dessus. Je dis souvent qu’on ne peut pas apprendre à bien manger sans gaspiller un peu de nourriture, comme on ne peut pas apprendre à bien dessiner sans gaspiller quelques feuilles.
- Les légumes et les fruits sont les aliments qui sont généralement les plus difficiles à intégrer dans les menus des enfants. C’est pour cela que je conseille de se concentrer sur ces 2 classes alimentaires le plus tôt possible. Et cela tombe bien car, comme nous le verrons dans la question suivante ci-contre, ce sont les aliments les plus adaptés en termes de texture pour les bébés débutants.
- J’encourage même les familles à inviter les tout-petits en cuisine dès qu’ils tiennent debout. Ils peuvent alors découvrir les aliments entiers avant leur découpe, cuisson. Ils peuvent goûter certains aliments crus avant de les manger cuits dans leur assiette. Ils peuvent toucher et sentir les aliments plusieurs fois avant de les porter à la bouche.
- C’est d’ailleurs de cette manière que l’on travaille avec les enfants qui ont une hypersélectivité alimentaire. On repart à la base en les invitant à regarder, puis à toucher les aliments avant de les mettre dans leur assiette. La découverte alimentaire passe d’abord par les yeux, puis les mains avant de passer par la bouche. Il est tout à fait normal qu’un enfant refuse de goûter un aliment qu’il n’a pas pris le temps de d’abord regarder et toucher.
- Il est important de noter que la taille et la texture des morceaux proposés à l’enfant doivent être parfaitement adaptées à ses capacités pour que la mastication puisse se mettre en place correctement.
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